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des mains de Rebecca. Son père lisait son journal, et, comme d’habitude, pendant qu’on préparait le thé, sa mère gémissait sur le tapis en lambeaux, et suppliait Rebecca de le réparer [1].


N’est-ce pas une vraie peinture naturaliste, avec la notation précise de tous les détails susceptibles d’évoquer dans l’esprit du lecteur la laideur et la grossièreté de la vie pauvre ? Il y a là une manière neuve pour l’époque de nous communiquer les sentiments d’un personnage ; l’auteur ne nous explique plus ce que son héros éprouve, il ne lui fait plus exprimer ses sensations, mais il nous décrit minutieusement l’éclat du soleil qui blesse ses yeux, l’atmosphère qui l’oppresse, la saleté qui lui soulève le cœur, les radotages qui fatiguent ses oreilles. Il n’y a pas besoin de commentaires, et malgré le silence de Fanny, sa dépression pénètre en nous.

Miss Austen a même recours aux procédés de l’impressionnisme et du pointillé pour déterminer une sensation plus précise de la réalité, comme dans cette description d’une cueillette de fraises :


On ne pensait, on ne parlait que des fraises, rien que des fraises. Le meilleur fruit d’Angleterre — le favori de tous — très sain — celles-là sont les meilleures — délicieux de les cueillir soi-même — on en jouit beaucoup plus — surtout le matin — pas fatiguée — toutes bonnes — les Hautboy très supérieures — sans comparaison — mais très rares — préfère les Chili — celles des bois les plus savoureuses — chères à Londres — beaucoup autour de Bristol — méthode spéciale — doit refaire les plates-bandes — pas de règle générale — ouvriers routiniers — délicieux — pas en abuser — cerises préférables — groseilles plus rafraîchissantes — pénible de rester courbée — soleil éblouissant — morte de fatigue — ne peut plus résister — doit aller s’asseoir à l’ombre [2].

  1. Mansfield Park.
  2. Emma.