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trouve toujours d’excellentes raisons pour justifier son avidité. Dans la voiture, Maria s’étonne du volumineux panier que rapporte sa tante.

— « Ma chérie, ce n’est qu’une jolie bruyère que ce charmant vieux jardinier m’a obligé d’emporter. Tiens Fanny, prends ce paquet, fais attention de ne pas le laisser tomber. C’est[1] un fromage à la crème, de celui que nous avons eu à dîner. Cette bonne vieille Mrs. Whitaker ne m’a pas laissé tranquille avant que j’accepte un de ses fromages. J’ai refusé aussi longtemps que j’ai pu, mais elle avait les larmes dans les yeux ; et, c’est juste la sorte de fromage que ma sœur aime tant. Quel trésor de bonté, cette Mrs. Whitaker ! »

— « Et que rapportez-vous encore de votre maraudage ? » interroge Maria.

— « Maraudage, ma chérie ! Ce ne sont que quatre de ces magnifiques œufs de faisans que Mrs. Whitaker m’a forcé d’accepter, un refus l’aurait fâchée ».


Toute cette rapacité passe inaperçue tant Mrs. Norris est empressée à se charger de toutes les besognes désagréables, tant elle flatte servilement les parents riches, tant elle parle de son dévouement et de sa générosité.

— « Mon cher Sir Bertram », dit-elle à son beau-frère avec tous mes défauts j’ai bon cœur ; et, pauvre comme je suis, je me priverais plutôt des nécessités de la vie que d’agir sans générosité. » Et elle laisse croire qu’elle va contribuer aux frais de l’éducation de la petite nièce Fanny. Le naïf gentleman est bien vite détrompé ; elle a suggéré la charité, écrit les lettres, c’est à elle qu’on devra être reconnaissant ; mais lorsque son tour arrive de prendre chez elle Fanny, elle trouve les meilleures et les plus péremptoires raisons de repousser cette charge. Esclave de toutes les fantaisies de ses nièces riches, elle bouscule, humilie et tyrannise Fanny Price, la petite parente pauvre. C’est une mégère ; mais Miss Austen n’en fait pas un monstre inexplicable ; elle

  1. WS : G’est -> C’est