Page:Rague - Jane Austen, 1914.djvu/102

Cette page n’a pas encore été corrigée

Portsmouth, chez ses parents qu’elle n’a pas vus depuis dix ans.

Fanny arrive à Portsmouth toute heureuse de revoir sa mère et ses sœurs ; mais le logis sombre et sale, les criailleries et les disputes des enfants mal élevés, les lamentations d’une mère indolente et sans autorité, les jurons d’un père toujours un peu pris de vin, contrastent cruellement avec le luxe, la bonne tenue et la tranquillité de Mansfield Park, le ton modéré, la correction de ses hôtes. L’épreuve est pénible pour la jeune fille ; cependant elle se raidit et reprend vite son énergie. Elle met de l’ordre dans la maison, dresse les petites sœurs à la propreté, remonte autant qu’il est possible le moral de sa mère.

Henry Crawford vient la voir chez ses parents ; leur pauvreté ne le rebute pas ; il est encore aussi empressé, aussi anxieux de lui plaire. Elle est touchée de sa constance, mais elle ne cède toujours pas. Une plus longue fidélité est au-dessus des forces d’Henry Crawford ; il renonce à Fanny et il se console en enlevant Maria Bertram à son mari. Cela dénoue toute l’intrigue. Julia Bertram suit l’exemple de sa sœur ; elle s’enfuit de la maison paternelle avec un ami de Crawford ; et Fanny rentre à Mansfield Park pour tenir compagnie dans leur malheur à son oncle et à sa tante. La légèreté avec laquelle Mary Crawford juge la conduite de son frère Henry révolte Edmund, lui fait comprendre combien leurs mentalités sont étrangères. Il rompt avec elle et épouse Fanny. Mrs. Norris en est indignée et elle va vivre avec Maria, déjà abandonnée par son amant.

Mansfield Park est l’étude la plus approfondie du cœur humain que nous ait donné Jane Austen. La minutie de l’observation en rend parfois la lecture un peu pénible, et la cruauté de ses peintures laisse un certain goût d’amertume ; mais on en garde une sensation de réalité parfaite, comme si on venait de vivre dans la famille Bertram.



Emma