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l'univers, en m'attachant à vous,

Que quand je vous servais je servais mon époux,

Et par le nœud sacré d'un heureux hyménée,

Justifiez la foi que je vous ai donnée.

Bajazet

Ah! que proposez-vous, Madame?

Roxane

Hé quoi, Seigneur?

Quel obstacle secret trouble notre bonheur?

Bajazet

Madame, ignorez-vous que l'orgueil de l'empire...

Que ne m'épargnez-vous la douleur de le dire?

Roxane

Oui, je sais que depuis qu'un de vos empereurs,

Bajazet, d'un barbare éprouvant les fureurs,

Vit au char du vainqueur son épouse enchaînée,

Et par toute l'Asie à sa suite traînée,

De l'honneur ottoman ses successeurs jaloux

Ont daigné rarement prendre le nom d'époux.

Mais l'amour ne suit point ces lois imaginaires;

Et sans vous rapporter des exemples vulgaires,

Soliman (vous savez qu'entre tous vos aïeux,

Dont l'univers a craint le bras victorieux,

Nul n'éleva si haut la grandeur ottomane),

Ce Soliman jeta les yeux sur Roxelane.

Malgré tout son orgueil, ce monarque si fier,

A son trône, à son lit daigna l'associer,

Sans qu'elle eût d'autres droits au rang d'impératrice

Qu'un peu d'attraits peut-être, et beaucoup d'artifice.

Bajazet

Il est vrai. Mais aussi voyez ce que je puis,

Ce qu'était Soliman, et le peu que je suis.

Soliman jouissait d'une pleine puissance:

L'Egypte ramenée à son obéissance,

Rhodes, des Ottomans ce redoutable écueil,

De tous ses défenseurs devenu le cercueil,

Du Danube asservi les rives désolées,

De l'empire persan les bornes reculées,

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