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Qu'un cœur qu'ont endurci la fatigue et les ans

Suivît d'un vain plaisir les conseils imprudents?

C'est par d'autres attraits qu'elle plaît à ma vue:

J'aime en elle le sang dont elle est descendue.

Par elle Bajazet, en m'approchant de lui,

Me va, contre lui-même, assurer un appui.

Un vizir aux sultans fait toujours quelque ombrage:

A peine ils l'ont choisi, qu'ils craignent leur ouvrage;

Sa dépouille est un bien qu'ils veulent recueillir,

Et jamais leurs chagrins ne nous laissent vieillir.

Bajazet aujourd'hui m'honore et me caresse,

Ses périls tous les jours réveillent sa tendresse;

Ce même Bajazet, sur le trône affermi,

Méconnaîtra peut-être un inutile ami.

Et moi, si mon devoir, si ma foi ne l'arrête,

S'il ose quelque jour me demander ma tête...

Je ne m'explique point, Osmin, mais je prétends

Que du moins il faudra la demander longtemps.

Je sais rendre aux sultans de fidèles services,

Mais je laisse au vulgaire adorer leurs caprices,

Et ne me pique point du scrupule insensé

De bénir mon trépas quand ils l'ont prononcé.

Voilà donc de ces lieux ce qui m'ouvre l'entrée,

Et comme enfin Roxane à mes yeux s'est montrée.

Invisible d'abord elle entendait ma voix,

Et craignait du sérail les rigoureuses lois;

Mais enfin bannissant cette importune crainte,

Qui dans nos entretiens jetait trop de contrainte,

Elle-même a choisi cet endroit écarté,

Où nos cœurs à nos yeux parlent en liberté.

Par un chemin obscur une esclave me guide,

Et... Mais on vient. C'est elle, et sa chère Atalide.

Demeure, et s'il le faut, sois prêt à confirmer

Le récit important dont je vais l'informer.

Scène II.

Roxane, Atalide, Acomat, Osmin, Zatime, Zaïre

Acomat

La