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Bérénice

Mais, de grâce, écoutez. Il n’eſt plus temps.

Titus

Mais, de grâce, écoutez. Il n’est plus temps. Madame,
Un mot.

Bérénice

Un mot. Non.

Titus

Un mot. Non. Dans quel trouble elle jette mon ame !
Ma princeſſe, d’où vient ce changement ſoudain ?

Bérénice

C’en eſt fait. Vous voulez que je parte demain.
Et moi, j’ai réſolu de partir tout à l’heure,
Et je pars.

Titus

Et je pars. Demeurez.

Bérénice

Et je pars. Demeurez. Ingrat, que je demeure ?
Et pourquoi ? Pour entendre un peuple injurieux
Qui fait de mon malheur retentir tous ces lieux ?
Ne l’entendez-vous pas cette cruelle joie,
Tandis que dans les pleurs moi ſeule je me noie ?
Quel crime, quelle offenſe a pu les animer ?
Hélas ! Et qu’ai-je fait que de vous trop aimer ?

Titus

Écoutez-vous, Madame, une foule inſenſée ?

Bérénice

Je ne vois rien ici dont je ne sois bleſſée.
Tout cet appartement préparé par vos ſoins,
Ces lieux, de mon amour ſi long-temps les témoins,
Qui ſembloient pour jamais me répondre du vôtre,
Ces feſtons, où nos noms, enlacés l’un dans l’autre,
À mes triſtes regards viennent par-tout s’offrir,
Sont autant d’impoſteurs que je ne puis ſouffrir.
Allons, Phénice.