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PRÉFACE

Voici encore une Tragédie dont le ſujet eſt pris d’Euripide. Quoique j’aye ſuivi une route un peu différente de celle de cet Auteur pour la conduite de l’action, je n’ai pas laiſſé d’enrichir ma pièce de tout ce qui m’a paru le plus éclatant dans la ſienne. Quand je ne lui devrois que la ſeule idée du caractère de Phèdre , je pourrois dire que je lui dois ce que j’ai peut-être mis de plus raiſonnable ſur le Théâtre. Je ne ſuis point étonné que ce caractère ait eu un ſuccès ſi heureux du temps d’Euripide, & qu’il ait encore ſi bien réuſſi dans notre ſiècle ; Puiſqu’il a toutes les qualités qu’Ariſtote demande dans le héros de la tragédie, & qui ſont propres à exciter la compaſſion & la terreur. En effet, Phèdre n’eſt ni tout-à-fait coupable, ni tout-à-fait innocente. Elle eſt engagée, par ſa deſtinée & par la colère des dieux, dans une paſſion illégitime, dont elle a horreur toute la première. Elle fait tous ſes efforts pour la ſurmonter. Elle aime mieux ſe laiſſer mourir, que de la déclarer à perſonne. Et, lorſqu’elle eſt forcée de la découvrir, elle en parle avec une confuſion, qui fait bien voir que ſon crime eſt plutôt une punition des dieux, qu’un mouvement de ſa volonté.