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TRAGÉDIE.


Oubliez-vous ici qui vous interrogez ?

Achille.

Oubliez-vous qui j’aime, & qui vous outragez ?

Agamemnon.

Et qui vous a chargé du soin de ma famille ?
Ne pourrai-je, sans vous, disposer de ma fille ?
Ne suis-je plus son père ? Etes-vous son époux ?
Et ne peut-elle ....

Achille.

Non elle n’est plus à vous.
On ne m’abuse point par des promesses vaines.
Tant qu’un reste de sang coulera dans mes veines,
Vous deviez à mon sort unir tous ses momens,
Je défendrai mes droits fondés sur vos sermens ;
Et n’est-ce pas pour moi que vous l’avez mandée ?

Agamemnon.

Plaignez-vous donc aux dieux qui me l’ont demandée.
Accusez & Calchas & le camp tout entier,
Ulysse, Ménélas, & vous tout le premier.

Achille.

Moi I

Agamemnon.

Vous qui, de l’Asie embrassant la conquête,
Querellez tous les jours le Ciel qui vous arrête ;
Vous qui, vous offensant de mes justes terreurs,
Avez dans tout le camp répandu vos fureurs.
Mon cœur, pour la sauver, vous ouvroit une voie ;
Mais vous ne demandez, vous ne cherchez que Troie.
Je vous fermois le champ, où vous voulez courir.
Vous le voulez, partez, sa mort va vous l’ouvrir.

Achille.

Juste Ciel ! puis-je entendre & souffrir ce langage !
Est-ce ainsi qu’au parjure on ajoute l’outrage !
Moi, je voulois partir aux dépens de ses jours ?
Et que m’a fait à moi cette Troie où je cours ?
Au pied de ses remparts quel intérêt m’appelle ?
Pour qui, sourd à la voix d’une mère immortelle,

M v