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Le Ciel s*eft fait, fans doute, une joie inhumaine

A rafleinbler fur moi tous l:s tiaits de fa haine.

R.nppellcrai-je encor le fouveuir atHeux

Du jour, qui dans les fcis nous jctta toutes deux >

Dans les cruelles mains , par qui je fus ravie ,

Je demeurai, long-temps, fans lumière & fans vie,

Enfin, mes foibles yeux cherchèrent la clarté j

Et, me voyant prclTcr d'un bras enfanglantc ,

Je frémifl'ois, Doris, & d'un vainqueur lauvage

Craignois de rencontrer l'effroyable vifage.

J'entrai dans fon vaiiTeau , déteftanc fa fureur.

Et toujours détournant ma vue avec horreur.

Je le vis. Son afpeét n'avoir rien de farouche.

Je fentis le reproche expirer dans ma bouche.

Je fentis , contre moi , mon cœur fc déclarer ;

J'oubliai ma colère , & ne fus que pleurer.

Je me lailîai conduire à cet aimable guide.

Je l'aimois à Lefbos , & je l'aime en Aulide.

Iphigénie en vain s'ofire à me protéger ,

Et me tend une main prompte à me foulager.

Trille efiet des fureurs dont je fuis tourmentée l

Je n'accepte la main qu'elle m'a préfentée ,

Que pour m'armer contre elle , &, fans me dccouvri

Traverfcr fon bonheur que je ne puis foufirir.

Doris. Et que pourroît contre elle une impuifTante haine î Ne valoit-il pas mieux , renfermée à Mycène , Eviter les tourmens que vou^ venez chercher. Et combattre des feux contraints de fe cacher ï

E R I P H I L E.

Je le voulois, Doris. Mais, quelque trifte image

Que fa gloire à mes yeux montrât fur ce rivage ,

Au fort qui me traînoit il fallut confcntir.

Une fecrette voix m'ordonna de partir j

Me dit qu'offrant ici ma préfcncc importune.

Peut-être j'y pourrois porter mon infortune ;

Que peut-être, approchant ces amans trop heurcUX,

Quelqu'un de mes malheurs fc répandroic fur eux.

Vol

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