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PRÉFACE.

dre étoit-il encore plus ſimple, puiſque Térence eſt obligé de prendre deux comédies de ce Poëte, pour en faire une des ſiennes ?

Et il ne faut point croire que cette règle ne ſoit fondée que ſur la fantaiſie de ceux qui l’ont faite. Il n’y a que le vraiſemblable qui touche dans la tragédie. Et quelle vraiſemblance y a-t-il qu’il arrive en un jour une multitude de choſes qui pourraient à peine arriver en plusieurs ſemaines ? Il y en a qui penſent que cette ſimplicité eſt une marque de peu d’invention. Ils ne ſongent pas qu’au contraire toute l’invention conſiſte à faire quelque choſe de rien, & que tout ce grand nombre d’incidents a toujours été le refuge des Poëtes qui ne ſentoient dans leur génie ni aſſez d’abondance, ni aſſez de force, pour attacher durant cinq actes leurs ſpectateurs, par une action ſimple, ſoutenue de la violence des paſſions, de la beauté des ſentiments, & de l’élégance de l’expreſſion. Je ſuis bien éloigné de croire que toutes ces choſes ſe rencontrent dans mon ouvrage. Mais auſſi je ne puis croire que le public me ſache mauvais gré de lui avoir donné une tragédie, qui a été honorée de tant de larmes, & dont la trentième représentation a été auſſi ſuivie que la première.

Ce n’eſt pas que quelques perſonnes ne m’ayent reproché cette même ſimplicité que j’avois recherchée avec tant de ſoin. Ils ont cru qu’une tragédie, qui étoit ſi peu chargée d’intrigues, ne pouvait être ſelon les règles du Théâtre. Je m’informai s’ils ſe plaignoient qu’elle les eût ennuyés. On me dit qu’ils