Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome1.djvu/61

Cette page n’a pas encore été corrigée

Qui puiſſe vous remettre au rang de vos aïeux,
Sans que vous répandiez un ſang ſi précieux.
Pouvez-vous refuſer cette grace légère
Aux larmes d’une sœur, aux ſoupirs d’une mère ?

Jocaſte
Mais quelle crainte encor vous peut inquiéter ?
Pourquoy ſi promptement voulez-vous nous quitter ?
Quoi ? ce jour tout entier n’eſt-il pas de la treſve ?
Dès qu’elle a commencé, faut-il qu’elle s’achève ?
Vous voyez qu’Étéocle a mis les armes bas ;
Il veut que je vous voie, & vous ne voulez pas.

Antigone
Oui, mon frère, il n’eſt pas comme vous inflexible :
Aux larmes de ſa mère il a paru ſenſible ;
Nos pleurs ont déſarmé ſa colère aujourd’hui.
Vous l’appelez cruel, vous l’eſtes plus que luy.

Hémon
Seigneur, rien ne vous preſſe, & vous pouvez ſans peine
Laiſſer agir encor la princeſſe & la reine :
Accordez tout ce jour à leur preſſant déſir ;
Voyons ſi leur deſſein ne pourra réuſſir.
Ne donnez pas la joie au prince votre frère
De dire que ſans vous la paix ſe pouvoit faire.
Vous aurez ſatiſfoit une mère, une sœur,
Et vous aurez ſurtout ſatiſfoit votre honneur.
Mais que veut ce ſoldat ? Son ame eſt toute émue !
Scène 4
Jocaſte, Polynice, Antigone, Hémon, un ſoldat

Le ſoldat
Seigneur, on eſt aux mains, & la treſve eſt rompue !
Créon & les Thébains, par ordre de leur roi,
Attaquent votre armée & violent leur foi.