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Vous , qui deshéritant le fils de Claudius ,
Avez nommé César l’heureux Domitius ?
Tout lui parle, Madame, en faveur d’Agrippine.
Il vous doit son amour.

Agrippine

Il vous doit son amour. Il me le doit , Albine.
Tout , s’il est généreux , lui prescrit cette loi :
Mais tout , s’il est ingrat , lui parle contre moi.

Albine.

S’il eft ingrat. Madame ! Ah , toute fa conduite
Marque dans fon devoir une ame trop inftruite !
Depuis trois ans entiers, qu’a-t-il dit , qu’a-t-il fait.
Qui ne promette à Rome un Empereur partait ?
Rome , depuis trois ans par Ces foins gouvernée,
Au temps de fes confuls croit être retournée ;
Il la gouverne en père. Eniîn, Néron naillant
A toutes les vertus d’Augufte vieillilTant»

Agrippine.

Non, non, mon intérêt ne me rend point injuste.
Il commence , il eft vrai , par où finit Auguste
Mais crains que , l’avenir détruifant le pafle ,
Il ne finifie ainfî qu’Augufte a commencé.
Il fe déguife en vain. Je lis fur fon vifage
De fiers Domitius l’humeur triftc & fauvage.
Il mêle avec l’orgueil , qu’il a pris dans leur fang ;
La fierté des Nérons , qu’il puifa dans mon flanc.
Toujours la tyrannie a d’heureufes prémices.
De Rome , pour un temps , Caïus fut les délices j
Mais fa feinte bonté fe tournant en fureur ,
Les délices de Rome , en devinrent l’horreur.
Que m’importe , après tout , que Néron plus fidèle.
D’une longue vertu laifle un jour le modèle î
Ai-je mis dans fa main le timon de l’état ,
Pour le conduire au gré du peuple & du fenat ?
Ah , que de la patrie il foit , s’il veut , le père :
Mais qu’il fonge un peu plus qu’Agrippine eft fa mer
De quel nom cependant pouvons-nous appelJcc
L’attentat que le jour vient de nous révéler?