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qu’il étoit bienſéant à eux de s’y ennuyer, & que les matières de Palais ne pouvoient pas être un ſujet de divertiſſement pour les gens de Cour. La Piéce fut bientôt après jouée à Verſailles. On ne fit point de ſcrupule de s’y réjouir, & ceux qui avoient cru ſe deshonorer de rire à Paris, furent peut-être obligés de rire à Verſailles, pour ſe faire honneur.

Ils auroient tort, à la vérité, s’ils me reprochoient d’avoir fatigué leurs oreilles de trop de chicane. C’eſt une langue qui m’eſt plus étrangère qu’à perſonne, & je n’en ai employé que quelques mots barbares, que je puis avoir appris dans le cours d’un procès, que ni mes Juges, ni moi, n’avons jamais bien entendu.

Si j’apréhende quelque choſe, c’eſt que des perſonnes un peu ſérieuſes ne traitent de badineries le procès du Chien & les extravagances du Juge. Mais enfin je traduis Ariſtophane, & l’on doit ſe ſouvenir qu’il avoit affaire à des Spectateurs aſſez difficiles. Les Athéniens ſavoient apparemment ce que c’étoit que le ſel Attique : & ils étoient bien ſûrs, quand ils avoient ri d’une choſe, qu’ils n’avoient pas ri d’une ſotiſe.

Pour moi, je trouve qu’Ariſtophane a eu raiſon de pouſſer les choſes au-delà du vraiſemblable. Les Juges de l’Aréopage n’auroient pas peut-être trouvé bon qu’il eût marqué au naturel leur avidité de gagner, les bons tours de leurs Secrétaires, & les forfanteries de leurs Avocats. Il étoit à propos d’outrer un peu les perſonnages pour les empêcher de ſe reconnoître. Le Public ne laiſſoit pas de diſcerner le vrai au travers du ridicule, & je m’aſſure qu’il vaut mieux avoir occupé l’impertinente éloquence de deux Orateurs autour d’un Chien accuſé, que ſi l’on avoit mis ſur la ſellette un véritable criminel, & qu’on eût intéreſſé les Spectateurs à la vie d’un Homme.

Quoi qu’il en ſoit, je puis dire que notre ſiècle n’a pas été de plus mauvaiſe humeur que le ſien, & que ſi le but de ma Comédie étoit de faire rire, jamais Comédie n’a mieux attrapé ſon but. Ce n’eſt pas que j’attende