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$8 ALEXANDRE.

Il n'en faut plus douter; & nous foirunes trahis.

Il immole à fa fœur fa gloire &: fon pays.

Et fa haine , Seigneur , qui cherche à vous abattre ,

Attend, pour éclater, que vous alliez combattre.

P G R U s.

Madame, en le perdant, je perds un foible appui;

Je le connoilTois trop pour m'allurer fur lui.

Mes yeux, fans fe troubler, ont vu fon inconftance.

Je craignois beaucoup plus fa molle réirllance.

Un traître , en nous quittant , pour complaire à fa fœur.

Nous alFoiblit bien moins qu'un lâche défenfeur.

A X I A N F..

Et cependant. Seigneur, qu'allez-vous entreprendre? Vous marchez fans compter \qs forces d'Alexandre; Et courant, prefque feul, au-devant de leurs coups , Contre tant d'ennemis vous n'oppofez que vous.

P O R U s. .

Hé quoi , voudriez-vous qu'à l'exemple d'un traître.

Ma frayeur confpirât à vous donner un maître?

Que Porus dans un camp fe laillànt arrêter,

Refufât le combat qu'il vient de préfentcr >

Non, non, je n'en crois rien. Je connois mieux, Madame,

Le beau feu que la gloire allume dans votre ame.

C'eft vous , je m'en fouvicns , dont les puifTans appas

Excitoient tous nos rois, \s.s traînoient aux combats;

Et de qui la fierté refufant de fe rendre,

Ne vouloit pour amant qu'un vainqueur d'Alexandre.

Il faut vaincre, & j'y cours; bien moins pour éviter

Le titre de captif, que pour le mériter.

Oui, Madame, je vais , dans l'ardeur qui m'entraîne,

Vidlorieux ou mort mériter votre chaine :

Et puifque mes foupirs s'expliquoient vainement

A ce cœur que la gloire occupe feulement.

Je m'en vais , par l'éclat qu'une victoire donne.

Attacher de fi près la gloire à ma perfonne ,

Que je pourrai , peut-être , amener votre cœur.

De l'amour de la gloiie à l'amour du vainqueur.

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