Page:Racine - Andromaque, Girard, 1668.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
82
ANDROMAQVE

Le Perfide triomphe, & ſe rit de ma rage.
Il penſe voir en pleurs diſſiper cét orage.
Il croit que touſiours foible, & d’vn cœur incertain,
Ie pareray d’vn bras les coups de l’autre main.
Il juge encor de moy par mes bontez paſſées.
Mais plûtoſt le Perfide a bien d’autres penſées.
Triomphant dans le Temple, il ne s’informe pas
Si l’on ſouhaite ailleurs ſa vie ou ſon treſpas.
Il me laiſſe, l’Ingrat ! cet embarras funeſte.
Non, non, encore vn coup, laiſſons agir Oreſte.
Qu’il meure, puis qu’enfin il a dû le preuoir,
Et puis qu’il m’a forcée enfin à le vouloir.
À le vouloir ? Hé quoy ? C’eſt donc moy qui l’ordonne ?
Sa Mort ſera l’effet de l’amour d’Hermionne ?
Ce Prince, dont mon cœur ſe faiſoit autrefois,
Auec tant de plaiſir, redire les Exploits,
À qui meſme en ſecret ie m’eſtois deſtinée,
Auant qu’on euſt conclu ce fatal hymenée,
Ie n’ay donc trauerſé tant de mers, tant d’Eſtats,
Que pour venir ſi loin preparer ſon treſpas,
L’aſſaſſiner, le perdre ? Ah deuant qu’il expire…