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TRAGEDIE

Scène IV.

ORESTE, Soldats d’Oreſte.
ORESTE.


Qve voy-je ? Eſt-ce Hermionne ? Et que viens-je d’entendre ?
Pour qui coule le ſang que ie viens de répandre ?
Ie ſuis, ſi ie l’en crois, vn Traiſtre, vn Aſſaſſin.
Eſt-ce Pyrrhus qui meurt ? & ſuis-je Oreſte enfin ?
Quoy ? j’étouffe en mon cœur la raiſon qui m’éclaire.
I’aſſaſſine à regret vn Roy que je reuere.
Ie viole en vn jour les droits des Souuerains,
Ceux des Ambaſſadeurs, & tous ceux des Humains,
Ceux meſme des Autels où ma fureur l’aſſiege.
Ie deviens Parricide, Aſſaſſin, Sacrilege.
Pour qui ? Pour vne Ingrate, à qui ie le promets,
Qui meſme, s’il ne meurt, ne me verra jamais,
Dont j’épouſe la rage. Et quand ie l’ay ſeruie,
Elle me redemande & ſon ſang & ſa vie !
Elle l’aime ! & ie ſuis un monſtre furieux !
Ie la voy pour jamais s’éloigner de mes yeux,
Et l’Ingrate, en fuyant, me laiſſe pour ſalaire
Tous les noms odieux que j’ay pris pour luy plaire.