Vous auez trouué ſeule vne ſanglante voye
De ſuſpendre en mon cœur le ſouvenir de Troye.
Plus barbare aujourd’huy qu’Achille & que ſon Fils,
Vous me faites pleurer mes plus grands Ennemis ;
Et ce que n’auoient pû promeſſe, ny menaſſe,
Pyrrhus de mon Hector ſemble auoir pris la place.
Ie n’ay que trop, Madame, éprouué ſon courroux,
I’aurois plus de ſujet de m’en plaindre que vous.
Pour derniere rigueur, ton amitié cruelle,
Pyrrhus, à mon Epoux me rendoit infidelle.
Ie t’en allois punir. Mais le Ciel m’eſt témoin,
Que je ne pouſſois pas ma vangeance ſi loin,
Et ſans verſer ton ſang, ny cauſer tant d’allarmes,
Il ne t’en euſt couſté peut-eſtre que des larmes.
Quoy ? Pyrrhus eſt donc mort !
Ont laué dans ſon sang ſes infidelitez.
Ie vous l’auois promis. Et quoy que mon courage
Se fiſt de ce complot vne funeſte image,
I’ay couru vers le Temple, où nos Grecs diſperſez
Se ſont juſqu’à l’Autel dans la foule gliſſez.
Pyrrhus m’a reconnu. Mais ſans changer de face,
Il ſembloit que ma veuë excitaſt ſon audace,
Que tous les Grecs brauez en leur Ambaſſadeur
Deuſſent de ſon hymen releuer la ſplendeur.
Enfin auec tranſport prenant ſon diadéme,
Sur le front d’Andromaque il l’a poſé luy-meſme.
Ie vous donne, a-t’il dit, ma Couronne, & ma Foy ;
Andromaque, regnez ſur l’Epire & ſur moy.