Page:Racine - Abrégé de l’histoire de Port-Royal, éd. Gazier, 2e éd.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.

une simple paillasse, s’abstint de manger de la viande, et fit fermer de bonnes murailles son abbaye, qui ne l’était auparavant que d’une méchante clôture de terre, éboulée presque partout. Elle eut grand soin de ne point alarmer ses religieuses par trop d’empressement à leur vouloir faire embrasser la règle ; elle se contenta de leur donner l’exemple, leur parlant peu, priant beaucoup pour elles, et accompagnant de torrents de larmes le peu d’exhortations qu’elle leur faisait quelquefois. Dieu bénit si bien cette conduite qu’elle les gagna toutes les unes après les autres, et qu’en moins de cinq ans la communauté de biens, le jeûne, l’abstinence de viande, le silence, la veille de la nuit, et enfin toutes les austérités de la règle de saint Benoît furent établies à Port-Royal de la même manière qu’elles le sont aujourd’hui.

Cette réforme est la première qui ait été introduite dans l’ordre de Cîteaux : aussi y fit-elle un fort grand bruit, et elle eut la destinée que les plus saintes choses ont toujours eue, c’est-à-dire qu’elle fut occasion de scandale aux uns, et d’édification aux autres. Elle fut extrêmement désapprouvée par un fort grand nombre de moines et d’abbés même, qui regardaient la bonne chère, l’oisiveté, la mollesse, en un mot le libertinage, comme d’anciennes coutumes de l’ordre où il n’était pas permis de toucher. Toutes ces sortes de gens déclamèrent avec beaucoup d’emportement