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Dans ce temps-là même, M. de Contes et M. Bail, qui commençaient leur visite, étant entrés dans sa chambre, et M. de Contes lui ayant demandé comment elle se trouvait, elle lui répondit d’un fort grand sens froid : « Comme une fille. Monsieur, qui va mourir. — Hé quoi ! ma Mère, s’écria M. de Contes, vous dites cela comme une chose indifférente ! La mort ne vous étonne-t-elle point ? — Moi ! lui dit-elle, je suis venue ici pour m’y préparer à mourir, mais je n’y étais pas venue pour y voir tout ce que j’y vois. » M. de Contes, à ces mots, haussant les épaules, sans rien répliquer : « Monsieur, lui dit la Mère, je vous entends : voici le jour de l’homme ; mais le jour de Dieu viendra, qui découvrira bien des choses. »

Il est incroyable combien ses souffrances augmentèrent dans les trois dernières semaines de sa maladie, tant par les douleurs de son enflure que parce que son corps s’écorcha en plusieurs endroits. Ajoutez à cela un si extrême dégoût que la nourriture lui était devenue un supplice. Elle endurait tous ces maux avec une paix et une douceur étonnantes, et ne témoigna jamais d’impatience que du trop grand soin qu’on prenait de chercher des moyens pour la mettre plus à son aise. « Saint Benoît nous ordonne, disait-elle, de traiter les malades comme Jésus-Christ même ; mais cela s’entend des soulagements nécessaires, et non pas des raffinements pour flatter la sensualité. » On