Page:Racine - Abrégé de l’histoire de Port-Royal, éd. Gazier, 2e éd.djvu/162

Cette page a été validée par deux contributeurs.

reprises, étant interrompue presque à chaque ligne par des syncopes et des convulsions violentes que lui causait sa maladie. La lettre étant écrite, elle ne voulut plus entendre parler d’aucune affaire, et ne songea plus qu’à l’éternité. Bien qu’elle eût passé sa vie dans des exercices continuels de pénitence, et n’eût jamais fait autre chose que de travailler à son salut et à celui des autres, elle était si pénétrée de la sainteté infinie de Dieu et de sa propre indignité, qu’elle ne pouvait penser sans frayeur au moment terrible où elle comparaîtrait devant lui. La sainte confiance qu’elle avait en sa miséricorde gagna enfin le dessus. Son extrême humilité la rendit fort attentive, dans les derniers jours de sa vie, à ne rien dire et à ne rien faire de trop remarquable, ni qui donnât occasion de parler d’elle avec estime après sa mort. Et sur ce qu’on lui représentait un jour que la Mère Marie des Anges, qu’elle estimait, et qui était morte il y avait trois ans, avait dit, avant que de mourir, beaucoup de choses dont on se souvenait avec édification, elle répondit brusquement : « Cette Mère était fort simple et fort humble, et je ne le suis pas. »

Quelque cinq semaines avant sa mort, ses oppressions diminuèrent tout à coup, et on la crut presque hors de péril, mais bientôt les jambes lui enflèrent et ensuite tout le corps, et tous ses maux se changèrent en une hydropisie qui fut jugée sans remède.