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église où Dieu avait fait par elle un si grand miracle. Ce fut donc pendant plusieurs jours un flot continuel de peuple qui abordait dans cette église, et qui venait pour y adorer et pour y baiser la Sainte épine ; et on ne parlait d’autre chose dans Paris.

Le bruit de ce miracle étant venu à Compiègne, où était alors la cour, la reine mère se trouva fort embarrassée. Elle avait peine à croire que Dieu eût si particulièrement favorisé une maison qu’on lui dépeignait depuis longtemps comme infectée d’hérésie, et que ce miracle, dont on faisait tant de récit, eût même été opéré en la personne d’une des pensionnaires de cette maison, comme si Dieu eût voulu approuver par là l’éducation que l’on y donnait à la jeunesse. Elle ne s’en fia pas ni aux lettres que plusieurs personnes de piété lui en écrivaient, ni au bruit public, ni même aux attestations des chirurgiens de Paris. Elle y envoya M. Félix, premier chirurgien du roi, estimé généralement pour sa grande habileté dans son art et pour sa probité singulière, et le chargea de lui rendre un compte fidèle de tout ce qui lui paraîtrait de ce miracle. M. Félix s’acquitta de sa commission avec une fort grande exactitude. Il interrogea les religieuses et les chirurgiens, se fit raconter la naissance, le progrès et la fin de la maladie, examina attentivement la pensionnaire, et enfin déclara que la nature ni les remèdes n’avaient eu aucune part à cette gué-