Page:Racine - Œuvres, t3, éd. Mesnard, 1865.djvu/312

Cette page n’a pas encore été corrigée
302
PHÈDRE.

en Italie une jeune Athénienne de grande naissance, qui s’appeloit Aricie, et qui avoit donné son nom à une petite ville d’Italie.

Je rapporte ces autorités, parce que je me suis très-scrupuleusement attaché à suivre la fable. J’ai même suivi l’histoire de Thésée, telle qu’elle est dans Plutarque.

C’est dans cet historien que j’ai trouvé que ce qui avoit donné occasion de croire que Thésée fût descendu dans les enfers pour enlever Proserpine, étoit un voyage que ce prince avoit fait en Épire vers la source de l’Achéron, chez un roi dont Pirithoüs vouloit enlever la femme, et qui arrêta Thésée prisonnier, après avoir fait mourir Pirithoüs [1]. Ainsi j’ai tâché de conserver la vraisemblance de l’histoire, sans rien perdre des ornements de la fable, qui fournit extrêmement à la poésie. Et le bruit de la mort de Thésée, fondé sur ce voyage fabuleux, donne lieu à Phèdre de faire une déclaration d’amour qui devient une des principales causes de son malheur, et qu’elle n’auroit jamais osé faire tant qu’elle auroit cru que son mari étoit vivant.

Au reste, je n’ose encore assurer que cette pièce soit en effet la meilleure de mes tragédies. Je laisse et aux lecteurs et au temps à décider de son véritable prix. Ce que je puis assurer, c’est que je n’en ai point fait où la vertu soit plus mise en jour que dans celle-ci. Les moindres fautes y sont sévèrement punies. La seule pensée du crime y est regardée avec autant d’horreur que le crime même. Les foiblesses de l’amour y passent pour de vraies foiblesses ; les passions n’y sont présentées aux yeux que pour montrer tout le désordre dont elles sont cause ; et

  1. Voyez Plutargue, Vie de Thésée, chapitre XXXI ; et Pausanias, Attique, chapitre XVII. — Le roi dont Pirithoüs voulait enlever, selon Plutarque, la fille, et, selon Pausanias, la femme, s’appelait Ædonée (en grec #Aidoneus#, un des noms d’Hadès ou Pluton).