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ANDROMAQUE

560Mon rival, comme moi, mépriser leur pouvoir !

HERMIONE.

Que m’importe, Seigneur, sa haine ou sa tendresse ?
Allez contre un rebelle armer toute la Grèce ;
Rapportez-lui le prix de sa rébellion ;
Qu’on fasse de l’Épire un second Ilion.
565Allez. Après cela direz-vous que je l’aime ?

ORESTE.

Madame, faites plus, et venez-y vous-même.
Voulez-vous demeurer pour otage en ces lieux ?
Venez dans tous les cœurs faire parler vos yeux.
Faisons de notre haine une commune attaque.

HERMIONE.

570Mais, Seigneur, cependant s’il épouse Andromaque[1] ?

ORESTE.

Hé ! Madame.

HERMIONE.

Hé ! Madame.Songez quelle honte pour nous
Si d’une Phrygienne il devenoit l’époux !

ORESTE.

Et vous le haïssez ? Avouez-le, Madame,
L’amour n’est pas un feu qu’on renferme en une âme :
575Tout nous trahit, la voix, le silence, les yeux ;
Et les feux mal couverts n’en éclatent que mieux.

HERMIONE.

Seigneur, je le vois bien, votre âme prévenue
Répand sur mes discours le venin qui la tue,
Toujours dans mes raisons cherche quelque détour,
580Et croit qu’en moi la haine est un effort d’amour.
Il faut donc m’expliquer : vous agirez ensuite.
Vous savez qu’en ces lieux mon devoir m’a conduite ;

  1. Les éditions de 1702, 1713, 1722, 1722, 1750 ont altéré ce vers aussi. On y lit :

    Mais, Seigneur, cependant il épouse Andromaque.