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NOTICE.

couvert dans cette pièce le germe de la belle tragédie d’Andromaque. » Avant sa découverte, quelques rapports frappants entre les deux tragédies avaient déjà été signalés ; mais il exagère beaucoup lorsqu’il avance qu’on trouvera dans Pertharite « toute la disposition de la tragédie d’Andromaque ; » il suffisait de dire : quelques situations qui se ressemblent. Son intention d’ailleurs n’était pas de rabaisser la gloire de Racine. C’était Corneille dont il traitait le génie avec trop peu de respect, lorsque dans son commentaire il ne craignait pas d’écrire : « Il est évident que Racine a tiré son or de cette fange. » Pour Racine, il prend soin de le disculper de plagiat : personne n’eût songé à en accuser l’auteur d’Andromaque. Ni dans son plan général, ni dans ses caractères, ni dans ses admirables peintures des passions, sa tragédie ne doit rien à Pertharite ; il a donc pu légitimement demander quelques inspirations à Corneille, sans avoir dans cet emprunt rien perdu de son originalité.

Si Andromaque avait eu réellement quelques modèles, nous n’aurions pu négliger d’en parler sans laisser incomplet l’historique de cette pièce ; il est moins nécessaire d’énumérer les traductions ou imitations qui en ont été données. Mentionnons cependant, parce qu’elle a eu au dix-huitième siècle quelque célébrité, la tragédie de la Mère en détresse (Distrest Mother), que Philips fit représenter sur la scène anglaise, et qui est moins une imitation qu’une traduction, mais une traduction quelquefois inexacte, d’Andromaque. On y trouve trois nouvelles scènes ajoutées au dénoûment de Racine. La pièce a été imprimée en 1712[1]. L’abbé du Ros et Louis Racine en ont parlé ; Richardson, dans son roman de Paméla[2], en a fait une critique de quelque étendue, qui, dans son intention, s’adressait plutôt au poëte original qu’à son traducteur ; il est à regretter qu’il n’ait pas suffisamment distingué l’un de l’autre, et qu’en quelques endroits il ait paru croire avoir affaire à Racine, tandis qu’il n’eût dû s’en prendre qu’à son copiste

  1. The distrest Mother, a tragedy, written by Mr Philips. Printed for T. Johnson, bookseller at the Hague, M.DCC.XII (in-12).
  2. Pamela, or Virtue rewarded (Londres, M.DCC.XLII, 4 vol. in-8o), vol. IV, letter xi, from Mrs. B. to lady Davers, p. 66-88.