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NOTICE.

pas à la scène française un calque de ses vieux modèles, il s’en inspirait librement. Dans l’invention de son drame (et là sans doute la liberté du poëte était plus légitime encore) Racine, comme dans le caractère de ses personnages, se contentait d’une légère donnée que lui fournissaient les traditions antiques, et dont il aimait à dire qu’il ne s’était qu’un peu écarté, se faisant scrupule de « détruire le fondement d’une fable. » On ne peut trop admirer avec quel art ingénieux et fécond il a su trouver, dans quelques vers de Virgile, le germe d’une action si variée, si riche, si fortement nouée, si abondante en situations tragiques, et la plus heureusement conçue pour se prêter au développement des passions.

Mais dans une notice tout historique ne perdons pas trop de vue les limites naturelles de notre domaine, au delà desquelles nous avons été peut-être entraînés par la critique que Boileau fit tardivement de l’Andromaque. Racine ne connut probablement jamais et certainement ne connut pas à temps les objections de son ami, qu’il eût mises à profit. Les censeurs les plus malveillants eux-mêmes, tout en le chagrinant et l’irritant, ne le trouvaient pas indocile. Si dans leurs observations il s’en rencontrait quelqu’une qui lui parût juste, il savait en tenir compte. C’est ce que prouveraient assez plusieurs corrections qu’il a faites dans quelques-uns des vers d’Andromaque qui n’avaient pas trouvé grâce devant Subligny.

Celui-ci était cependant un Zoïle plutôt qu’un vrai critique ; et sa comédie de la Folle querelle n’avait pas été faite, comme on l’a prétendu, pour éclairer Racine sur quelques fautes, mais pour attenter à sa gloire. Cette assez méchante parodie dut affliger Racine ; car elle réussit beaucoup, sans doute parce que l’envie y trouvait son compte, et elle passa même pour être de Molière. Dans la préface, où Subligny revendique la responsabilité du crime, avouant seulement avec modestie « qu’il a tâché de le commettre de l’air dont M. de Molière s’y seroit pris, » il prétend que ce furent les ennemis de sa pièce qui essayèrent de lui en dérober la gloire, en publiant qu’elle avait pour auteur « le plus habile homme que la France ait encore eu en ce genre d’écrire. » Nous croyons qu’il aurait dû plutôt s’en prendre aux ennemis d’Andromaque, seuls intéressés à faire passer sous le nom du grand comique une satire si insi-