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NOTICE.

l’Alexandre, comme le Cid au-dessus de Médée ; chacun de ces deux chefs-d’œuvre fut, après des essais qui n’étaient pas sans promesses, la première révélation d’un grand génie ; et non-seulement ils sont l’un et l’autre par là une mémorable date dans la vie de nos deux poëtes dramatiques, ils en sont une surtout dans l’histoire de l’art. Avec le Cid on vit naître chez nous la tragédie fière, sublime, héroïque, qui agrandit les âmes ; avec Andromaque, la tragédie pathétique, qui connaît tous les secrets, toutes les faiblesses du cœur dans leurs nuances les plus délicates, dans leurs replis les plus profonds, et qui sait peindre avec la vérité la plus saisissante les plus terribles orages des passions.

Il ne faut pas s’attendre à ce qu’un témoin tel que le burlesque Robinet nous rende au moindre degré la vive impression des premiers spectateurs de l’admirable tragédie[1]. Ne l’interrogeons que sur les noms des acteurs qui jouèrent d’original dans Andromaque. Il nous les fait connaître dans sa lettre du 26 novembre. Voici, d’après son témoignage, la distribution des principaux rôles :

Andromaque, Mlle du Parc.
Pyrrhus, Floridor.
Oreste, Montfleury.
Hermione, Mlle des Œillets.

Le Mercure de France de juin 1740[2] dit que le sieur d’Hauteroche, qui jouait parfaitement les grands confidents, remplissait le rôle de Phœnix : c’était sans doute dès ces premiers temps. La création des premiers rôles est du reste seule intéressante pour nous. Le talent des quatre acteurs qui en furent chargés avait déjà été mis à l’épreuve par Racine dans son Alexandre : celui de Floridor, de Montfleury, de Mlle des

  1. Il lui suffit de constater le grand succès de la pièce par un misérable jeu de mots :

    On ne peut voir assurément,
    Ou du moins je me l’imagine,
    De plus beaux fruits d’une Racine.

  2. Page 1139. Deuxième lettre sur la vie et les ouvrages de Molière et sur les comédiens de son temps.