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ACTE IV, SCÈNE V.

Que je vous ai promis la foi que je lui voue.
Un autre vous diroit que dans les champs troyens
Nos deux pères sans nous formèrent ces liens,
1285Et que sans consulter ni mon choix ni le vôtre[1],
Nous fûmes sans amour engagés l’un à l’autre[2] ;
Mais c’est assez pour moi que je me sois soumis.
Par mes ambassadeurs mon cœur vous fut promis ;
Loin de les révoquer, je voulus y souscrire.
1290Je vous vis avec eux arriver en Épire ;
Et quoique d’un autre œil l’éclat victorieux
Eût déjà prévenu le pouvoir de vos yeux,
Je ne m’arrêtai point à cette ardeur nouvelle :
Je voulus m’obstiner à vous être fidèle,
1295Je vous reçus en reine ; et jusques à ce jour
J’ai cru que mes serments me tiendroient lieu d’amour.
Mais cet amour l’emporte, et par un coup funeste
Andromaque m’arrache un cœur qu’elle déteste.
L’un par l’autre entraînés, nous courons à l’autel
1300Nous jurer, malgré nous, un amour immortel.
Après cela, Madame, éclatez contre un traître,
Qui l’est avec douleur, et qui pourtant veut l’être.
Pour moi, loin de contraindre un si juste courroux,
Il me soulagera peut-être autant que vous.
1305Donnez-moi tous les noms destinés aux parjures :
Je crains votre silence, et non pas vos injures ;
Et mon cœur, soulevant mille secrets témoins,
M’en dira d’autant plus que vous m’en direz moins.

HERMIONE.

Seigneur, dans cet aveu dépouillé d’artifice,

  1. Var. Et que sans consulter ni mon cœur ni le vôtre. (1668-76)
  2. Dans ce vers, au lieu d’engagés, les éditions de 1768 et de 1808, suivies par M. Aimé-Martin, ont attachés. Nous ne savons d’où elles ont tiré cette variante. Ce doit être, à l’origine, une faute d’impression.