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ANDROMAQUE

Qu’ici, plutôt qu’ailleurs, le sort m’eût exilée ;
935Qu’heureux dans son malheur, le fils de tant de rois,
Puisqu’il devoit servir, fût tombé sous vos lois.
J’ai cru que sa prison deviendroit son asile.
Jadis Priam soumis fut respecté d’Achille :
J’attendois de son fils encor plus de bonté.
940Pardonne, cher Hector, à ma crédulité.
Je n’ai pu soupçonner ton ennemi d’un crime ;
Malgré lui-même enfin je l’ai cru magnanime.
Ah ! s’il l’étoit assez pour nous laisser du moins
Au tombeau qu’à ta cendre ont élevé mes soins,
945Et que finissant là sa haine et nos misères,
Il ne séparât point des dépouilles si chères !

PYRRHUS.

Va m’attendre, Phœnix.


Scène VII.

PYRRHUS, ANDROMAQUE, CÉPHISE.
PYRRHUS, continue.

Va m’attendre, Phœnix.Madame, demeurez.
On peut vous rendre encor ce fils que vous pleurez.
Oui, je sens à regret qu’en excitant vos larmes
950Je ne fais contre moi que vous donner des armes.
Je croyois apporter plus de haine en ces lieux.
Mais, Madame, du moins tournez vers moi les yeux :
Voyez si mes regards sont d’un juge sévère,
S’ils sont d’un ennemi qui cherche à vous déplaire.
955Pourquoi me forcez-vous vous-même à vous trahir ?
Au nom de votre fils, cessons de nous haïr.
À le sauver enfin c’est moi qui vous convie.
Faut-il que mes soupirs vous demandent sa vie ?