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ACTE IV, SCENE II. i4i

AGRirPINE.

Moi , le faire empereur? Ingrat ! l'avez-vous cru?

Quel seroit mon dessein? qu'aurois-je pu prétendre?

Quels honneurs dans sa cour,quel rang pourrois-je attendre?

Ah! si sous votre empire on ne m'épargne pas,

Si mes accusateurs observent tous mes pas,

Si de leur empereur ils poursuivent la mère ,

Que ferois-je au milieu d'une cour étrangère?

Ils me reprocheroient , non des cris impuissans,

Des desseins étouffés aussitôt que naissans,

Mais des crimes pour vous commis à votre vue,

Et dont je ne serois que trop tôt convaincue.

Vous ne me trompez point , je vois tous vos détours;

Vous êtes un ingrat, vous le fûtes toujours :

Dès vos plus jeunes ans mes soins et mes tendresses

N'ont arraché de vous que de feintes caresses.

Rien ne vous a pu vaincre; et votre dureté

Auroit dû dans son cours arrêter ma bonté.

Que je suis malheureuse! Et par quelle infortune

Faut-il que tous mes soins me rendent importune !

Je n'ai qu'un fils : ô ciel, qui m'entends aujourd'hui,

T'ai-je fait quelques vœux qui ne fussent pour lui ?

Remords , crainte , périls , rien ne m'a retenue.

J'ai vaincu ses mépris; j'ai détourné ma vue

Des malheurs qui dès lors me furent annoncés;

J'ai fait ce que j'ai pu : vous régnez, c'est assez.

Avec ma liberté, que vous m'avez ravie,

Si vous le souhaitez, prenez encor ma vie,

Pourvu que par ma mort tout le peuple irrité

Ne vous ravisse pas ce qui m'a tant coûté.

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