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Le songe de Panurge & interpretation d’icelluy.

Chapitre XIIII.


Svs les sept heures du matin subsequent Panurge se præsenta dauant Pantagruel, estans en la chambre Epistemon, frere Ian des entommeures, Ponocrates, Eudemon, Carpalim, & aultres : es quelz à la venue de Panurge dist Pantagruel. Voyez cy nostre songeur[1]. Ceste parolle, dict Epistemon, iadis cousta bon, & feut cherement vendue es enfans de Iacob. Adoncques dist Panurge, i’en suys bien ches Guillot le songeur. I’ay songé tant & plus, mais ie n’y entends note. Exceptez que par mes songeries i’auoys vne femme ieune, gualante, belle en perfection : laquelle me traitoit & entretenoit mignonnement, comme vn petit dorelot. Iamais home ne feut plus aise, ne plus ioyeux. Elle me flattoit, me chatouilloit, me tastonnoit, me testonnoit, me baisoit, me accolloit, & par esbattement me faisoit deux belles petites cornes au dessus du front. Ie luy remonstroys en folliant qu’elle me les debuoit mettre au dessoubz des œilz, pour mieulx veoir ce que i’en vouldroys ferir : affin que Momus ne trouuast en elle chose aulcune imperfaicte, & digne de correction,

  1. « Voici notre songeur qui vient, tuons-le, » disent les frères de Joseph. (Genèse, c. 37, v. 19 et 20)