Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103
chapitre xx.

Adoncques Nazdecabre eleua en l’aër la main dextre toute ouuerte, puys mist le poulce d’icelle iusques à la premiere articulation entre la tierce ioincture du maistre doigt & du doigt medical, les resserrant assez fort au tour du poulce : le reste des ioinctures d’iceulx retirant on poing, & droictz extendent les doigtz Indice & Petit. La main ainsi composée posa sus le nombril de Panurge mouuent continuellement le poulce susdict, & appuyant icelle main sus les doigtz Petit & Indice, comme sus deux iambes. Ainsi montoit d’icelle main successiuement à trauers le ventre, le stomach, la poictrine, & le coul de Panurge : puys au menton, & dedans la bouche luy mist le susdict poulce branslant : puys luy en frota le nez, & montant oultre aux œilz faignoit les luy couloir creuer auecques le poulce. A tant Panurge se fascha, & taschoit se defaire & retirer du Mut. Mais Nazdecabre continuoit luy touchant auecques celuy poulce branslant, maintenant les œilz, maintenant le front, & les limittes de son bonnet. En fin Panurge s’escria, disant. Par Dieu, maistre fol, vous serez battu si ne me laissez, si plus me faschez, vous aurez de ma main vn Masque sus vostre paillard visaige. Il est (dist lors frere Ian) sourd. Il n’entend ce que tu luy diz, couillon. Faictz luy en signe vne gresle de coups de poing sus le mourre. Que Diable (dist Panurge) veult prætendre ce maistre Alliboron ? Il m’a presque poché les œilz au beurre noir. Par Dieu, da iurandi[1], ie vous festoiray d’vn banquet de Nazardes, entrelardé de doubles Chinquenaudes. Puys le laissa luy faisant la petarrade. Le Mut voyant Panurge demarcher, guaingna le dauant, l’arresta par force, & luy feist tel signe. Il baissa le braz dextre vers le genoil tant que pouoit

  1. Voyez ci-dessus, p. 167, la note sur la l. 30 de la p. 231.