gruel) il conuiendroit que le Mut feust sourd de sa naissance : & par consequent Mut. Car il n’est Mut plus naïf, que celluy qui oncques ne ouyt.
Comment (respondit Panurge) l’entendez ? Si vray feust que l’home ne parlast, qui n’eust ouy parler, ie vous menerois à logicalement inferer vne proposition bien abhorrente & paradoxe. Mais laissons la. Vous doncques ne croyez ce qu’escript Herodote[1] des deux enfans guardez dedans vne case par le vouloir de Psammetic roy des Ægyptiens, & nourriz en perpetuelle silence ? les quelz apres certain temps prononcerent ceste parolle Becus, laquelle en langue Phrygienne signifie pain ? Rien moins, respondit Pantagruel. C’est abus dire que nous ayons languaige naturel. Les languaiges sont par institutions arbitraires & conuenences des peuples : les voix (comme disent les Dialecticiens) ne signifient naturellement, mais à plaisir. Ie ne vous diz ce propous sans cause. Car Barthole[2] l. prima de verb. oblig. raconte que de son temps, feut en Eugube vn nommé messer Nello de Gabrielis, lequel par accident estoit sourd deuenu : ce non obstant entendoit tout homme Italian parlant tant secretement que ce feust, seulement à la veue de ses gestes, & mouuement des bauleures. I’ay d’aduentaige leu en autheur docte & eleguant[3], que Tyridates roy de Armenie, on temps de Neron, visita Rome, & feut receu en solennité honorable, & pompes magnificques affin de l’entretenir en amitié sempiternelle du Senat & peuple Romain : & n’y eut chose memorable en la cité, qui ne luy feust monstrée & exposée. A son departement l’empereur luy feist dons grands, & excessifz : oultre, luy feist option, de choisir ce que plus en Rome luy plairoit, auecques promesse iurée de non l’esconduire quoy qu’il deman-
- ↑ Voyez liv. ii, c. 2.
- ↑ Lib. XLV, Digest. Tit. i, De verborum obligationibus, lex i, 7. Barthole examine si un homme qui comprend les autres et se fait comprendre lui-même, comme Nella de Gabriellis, peut être admis à stipuler, et il se prononce pour l’affirmative.
- ↑ « C’est Lucien en son Dialogue de la danse. Il est vrai que Tiridate n’y est pas nommé ; mais Suétone, Pline & Tacite parlent du voyage que ce Prince entreprit pour voir Néron. » (Le Duchat)