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pour me ayder à le conquester : car autant vaudrait il que ie le tinsse desià, mais ie voy que ceste ville est tant pleine des habitans qu’ilz ne peuvent se tourner par les rues. Docnques ie les meneray comme une colonie en Dipsodie, & leur donneray tout le pays, qui est beau, salubre, fructueux, et plaisant sus tous les pays du monde, comme plusieurs de vous sçavent qui y estes allez aultrefoys. Un chascun de vous qui y vouldroit venir soit prest comme iay dit.

Ce conseil & deliberation fut divulgué par la ville, & le lendemain se trouverent en la place devant le palays iusques au nombre de dix huyt cens cinquante mille, sans les femmes & petitz enfans. Ainsi commencerent à marcher droict en Dipsodie en si bon ordre qu’ilz ressembloient es enfans d’Israël quand ilz partirent d’Égypte pour passer la mer rouge.

Mais devant que poursuyvre ceste entreprinse ie vous veulx dire comment Panurge traicta son prisonnier le roy Anarche. Il luy souvint de ce que avoit raconté Epistemon comment estoient traictez les roys & riches de ce monde par les champs Elisées, & comment ilz gaingnoient pour lors leur vie à vilz & salles mestiers. Pourtant un iour habilla son dict roy d’un beau petit pourpoint de toille tout deschiquetté comme la cornette d’un Albanoys, et de belles chausses à la mariniere, sans soulliers : car (disoit il) ilz luy gasteroient la veue, & un petit bonnet pers avecques un grand plume de chappon. Ie faux, car il m’est advis qu’il y en avoit deux : & une belle ceincture de pers & vert, disant que ceste livrée luy advenoit bien, veu qu’il avoit esté pervers.

En tel point l’amena devant Pantagruel, & luy dist. Congnoissez