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à l’assiette de la dextre, avecques distance entre les deux d’une couldée et demye. Cela faict, en pareille forme baissa contre terre l’une et l’aultre main ; finablement les tint on mylieu, comme visant droict au nez de l’Angloys.

Et si Mercure… dist l’Angloys.

Là, Panurge interrompt, disant : Vous avez parlé, masque !

Lors feist l’Angloys tel signe. La main gausche toute ouverte il leva hault en l’air, puys ferma on poing les quatre doigts d’ycelle, et le poulse extendu assist suz la pinne du nez. Soubdain après, leva la dextre toute ouverte et toute ouverte la baissa, joignant le poulse on lieu que fermoyt le petit doigt de la gausche, et les quatre doigtz d’ycelle mouvoyt lentement en l’air ; puys, au rebours, feist de la dextre ce qu’il avoyt faict de la gausche et de la gausche ce que avoyt faict de la dextre.

Panurge, de ce non estonné, tyra en l’air sa tresmegiste braguette de la gausche, et de la dextre en tira un transon de couste bovine blanche et deux pieces de boys de forme pareille, l’une de ebene noir, l’aultre de bresil incarnat, et les mist entre les doigtz d’ycelle en bonne symmetrie, et, les chocquant ensemble, faisoyt son tel que font les ladres en Bretaigne avecques leurs clicquettes, mieulx toutesfoys resonnant et plus harmonieux, et de la langue, contracte dedans la bouche, fredonnoyt joyeusement, tousjours reguardant l’Angloys.

Les theologiens, medicins et chirurgiens penserent que par ce signe il inferoyt l’Angloys estre ladre.

Les conseilliers, legistes et decretistes pensoient que ce faisant, il vouloyt conclurre quelque espece de felicité humaine consister en estat de ladrye, comme jadys maintenoyt le Seigneur.