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gues pour esprouver si elles estoient tant alteratives : mais y leur en print comme à leur Roy. Et tous se mirent si bien à flaconner, que le bruyt en vint par tout le camp, comment le prisonnier estoit de retour, et qu’ilz debvoient avoir au lendemain l’assault, et qu’à ce ià se preparoit le roy et les capitaines ensemble les gens de la garde, et ce par boire à tyrelarigot. Parquoy ung chascun de l’armée se mist à martiner, chopiner, et tringuer de mesmes. Somme ilz beurent si bien, qu’ilz s’endormirent comme porcz sans nul ordre parmy le camp.

Or maintenant retournons au bon Pantagruel, et racomptons comment il se porta en cest affaire. Partant du lieu du Trophée, print le mast de leur navire en sa main comme ung bourdon, et mist dedans la hune deux cens trente et sept poinsons de vin blanc d’Aniou du reste de Rouen, et atacha à sa ceincture la barque tout pleine de sel aussi aysement comme les lansquenests portent leurs petitz peniers. Et ainsi se mist à chemin avecques ses compaignons. Et quand il fut pres du camp des ennemys, Panurge luy dist. Seigneur voulez vous bien faire ? Devallez ce vin blanc d’Aniou de la hune, et beuvons icy à la Tudesque. A quoy se condescendit voulentiers Pantagruel, et beurent si bien qu’il n’y demoura la seule goutte des deux cens trente et sept poinsons excepté une ferriere de cuir bouilly de Tours que Panurge emplyt pour soy : Car il l’appeloit son vademecum, et quelques meschantes baissieres pour le vinaigre. Apres qu’ilz eurent bien tiré au chevrotin, Panurge donna à manger à Pantagruel quelque diable de drogues composées de trochitz d’alkekangi et de cantharides et aultres especes diureticques. Ce faict Pantagruel dist à Carpalim, Allez