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AVERTISSEMENT


Le projet de donner un texte de Rabelais accessible à tous est loin d’être nouveau. Dès 1862 Burgaud des Marets et Rathery, en tête de leur excellente édition, avaient émis cette opinion très raisonnable que « le plus grand nombre des lecteurs… a la faiblesse de vouloir des livres lisibles ». Tout en reproduisant fidèlement le texte des anciennes éditions, ils avaient distingué les
i des j, les u des v, et rétabli la ponctuation selon les règles modernes. Mais leur Rabelais, comme celui de Jannet dans la Bibliothèque elzévirienne, exige encore un effort de lecture capable de décourager toute une catégorie de curieux, suffisamment avertis pour goûter les beautés de notre grand écrivain, mais pas assez familiarisés avec l’étude des textes pour lire couramment un auteur du xvie siècle. Nous avons pensé qu’on pouvait aller plus loin et, tout en respectant le texte original, qu’on pouvait le présenter sous une forme plus facilement assimilable, c’est-à-dire avec l’orthographe moderne.

Entendons-nous.

On a vu paraître depuis quelques années plusieurs Rabelais où, sous le prétexte de mettre notre grand auteur à la portée du public, les éditeurs se sont livrés à de véritables adaptations, défigurant le texte avec une maladresse qui serait touchante si elle ne constituait une véritable profanation envers un des chefs-d’œuvre les plus incontestables de notre langue. Leur transcription sacrilège ne laisse rien subsister du dessin primitif. C’est un badigeonnage grossier qui cache jusqu’au moindre trait de l’admirable fresque du xvie siècle.

Tel n’est pas notre but.

Nous avons voulu, au moment où les efforts d’un groupe de savants et de travailleurs, encouragés par une noble et généreuse initiative, vont enfin permettre aux érudits de lire Rabelais