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beaux arcs d’antique, au dedans desquels étaient belles galeries longues et amples, ornées de peintures et cornes de cerfs, licornes, rhinocéros, hippopotames, dents d’éléphants, et autres choses spectables[1]. Le logis des dames comprenait depuis la tour Artice jusques à la porte Mésembrine. Les hommes occupaient le reste. Devant ledit logis des dames, afin qu’elles eussent l’ébattement, entre les deux premières tours, au dehors, étaient les lices, l’hippodrome, le théâtre et natatoires[2], avec les bains mirifiques à triple solier[3], bien garnis de tous assortiments et foison d’eau de myrrhe.

Jouxte la rivière était le beau jardin de plaisance ; au milieu d’icelui, le beau labyrinthe. Entre les deux autres tours étaient les jeux de paume et de grosse balle. Du côté de la tour Crière était le verger, plein de tous arbres fruitiers, toutes ordonnées en ordre quinconce. Au bout était le grand parc, foisonnant en toute sauvagine[4]. Entre les tierces tours étaient les buttes pour l’arquebuse, l’arc et l’arbalète. Les offices, hors la tour Hespérie, à simple étage. L’écurie au-delà des offices. La fauconnerie au-devant d’icelles, gouvernée par asturciers[5] bien experts en l’art, et était annuellement fournie par les Candiens, Vénitiens et Sarmates, de toutes sortes d’oiseaux paragons[6], aigles, gerfauts, autours, sacres, laniers, faucons, éperviers, émerillons et autres, tant bien faits et domestiqués que, partants du château pour s’ébattre ès champs, prenaient tout ce que rencontraient. La vénerie était un peu plus loin, tirant vers le parc.

Toutes les salles, chambres et cabinets, étaient tapissés en diverses sortes, selon les saisons de l’année. Tout le pavé était couvert de drap vert. Les lits étaient de broderie. En chacune arrière-chambre était un miroir de cristallin[7], enchâssé en or fin, au tour garni de perles, et était de telle grandeur qu’il pouvait véritablement représenter toute la personne. À l’issue des salles du logis des dames, étaient les parfumeurs et testonneurs[8], par les mains desquels passaient les hommes quand ils visitaient les dames. Iceux fournissaient par chacun matin les chambres des dames d’eau rose, d’eau de naphe[9] et d’eau d’ange, et à chacune la précieuse cassolette vaporante de toutes drogues aromatiques.

  1. Dignes d’être vues.
  2. Piscines de natation.
  3. Plancher.
  4. Bêtes sauvages.
  5. Autoursiers.
  6. Modèles.
  7. Cristal.
  8. Coiffeurs.
  9. De fleurs d’oranger.