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rivé se presenta à Picrochole, & luy compta au long ce qu’il avoit & faict, & veu. À la fin conseilloit par fortes parolles qu’on feist apoinctement avecques Grandgouzier, lequel il avoit esprouvé le plus homme de bien du monde, adisoutant que ce n’estoit ny preu, ny raison molester ainsi ses voisins, desquelz iamais n’avoit eu que tout bien. Et au regard du principal : que iamais ne sortiroient de ceste entreprinse que à leur grand dommaige & malheur. Car la puissance de Picrochole n’estoit telle, que aisement ne les peust Grandgouzier mettre à sac. Il n’eut pas achevé ceste parolle, que Hastiveau dist tout hault : Bien malheureux est le prince qui est de telz gens servi, qui tant facilement sont corrompuz, comme ie congnoys Toucquedillon. Car ie voy son couraige tant changé que voulentiers se feust adioinct à noz ennemys pour contre nous batailler & no’trahir, s’ilz leussent voulu retenir : mais comme vertus est de tous tant amys que ennemys louée & estimée, aussi meschanceté est toute congneue & suspecte. Et pose que d’icelle les enemys se servent à leur profit si ont ilz tousiours les meschans & traistres en abhomination. À ces parolles Toucquedillon impatient tyra son espée, & en transpercza Hastiveau un peu au dessus de la mamelle guausche, dont mourut incontinent. Et tyrant son coup du corps, dist franchement. Ainsi