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les aultres, qu’ilz commençoient soy retirer à diligence, tous effrayez & parturbez de sens & entendement, comme s’ilz veissent la propre espèce & forme de mort davant leurs yeulx. Et comme vous voyez un asne quand il a au cul un oestre iunonicque, ou une mousche qui le poinct, courir cza & là, sans voye ny chemin & gettant sa charge par terre, rompant son frain & renes, sans aulcunement respirer ny prandre repous, & ne sçayt on qui le meut, car l’on ne veoit rien qui le touche. Ainsi fuyoient ces gens de sens deprouveuz, sans sçavoir cause de fuyr, tant seulement les poursuyt une terreur Panice laquelle avoient conceue en leurs ames. Voyant le moyne que toute leur pensée n’estoit si non à guaigner au pied, descend de son cheval, & monte sus une grosse roche qui estoit sus le chemin, & avecques son grand bracquemart, frapoit sus ces fuyars à grand tour de braz sans se faindre ny espargner. Tant en tua & mist par terre, que son bracquemart rompit en deux pièces. Adoncques pensa en soy mesme que c’estoit assez massacré & tué, & que le reste doibvoit eschapper pour en porter les nouvelles. Pourtant saisit en son poing une hasche de ceulx qui là gisoient mors, & se retourna derechief sus la roche, passant temps à veoir fuyr les ennemys, & cullebuter entre les corps mors, excepté que à tous faisoit laisser leurs