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ce que vit ambroise et ce qu’il entendit.

visage était couvert de boue, et son habit était en lambeaux, quand heureusement il trouva une allée dont la porte, qu’il ferma brusquement, le déroba à ceux qui le poursuivaient.

La maison où Ambroise s’était réfugié donnait sur la place, et plusieurs personnes y étaient venues pour jouir de cet édifiant spectacle. Ce ne fut pas sans douleur et sans effroi qu’il ouït les éclats de rire et les plaisanteries des assistants ; elles lui perçaient le cœur. Pour éviter de les entendre, il s’enfonça un peu plus dans l’allée et se trouva dans un lieu fort obscur, où il découvrit, au travers d’une porte ouverte, deux hommes qui se promenaient et qui parlaient avec chaleur. L’un était un jésuite, et l’autre le maître de la maison. Leur conversation roulait sur l’affaire présente ; Ambroise n’en perdit pas un mot, et ci ce qu’il entendit :

« Il faut convenir, » disait le maître de la maison, « qu’il est cruel d’être obligé de changer d’opinion et de feindre pendant toute sa vie de croire ce qu’on ne croit pas dans le fond du cœur. Je ne suis pas surpris aussi que, dans ces derniers moments, où l’on n’est plus affecté par la crainte, ni dominé par les intérêts du monde et par le plaisir de vivre à son aise, un mourant qui n’a plus rien à ménager fasse enfin l’aveu de sa véritable croyance, et, dans le fond du cœur, je ne saurais lui en faire un crime. J’aimerais mieux n’avoir dans notre religion qu’un petit