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ambroise échappe à un grand péril.

à demi mort, avec des gens dont il n’entendait pas le langage.

Mais le langage de l’humanité est bien intelligible. On témoigna à nos trois Français tant de compassion pour leur état ; il y avait dans la physionomie haute, mais expressive, de ces inconnus, tant de sensibilité, que ces infortunés comprirent qu’ils étaient avec des hommes, et que le terme de leurs peines s’approchait. Arrivés au vaisseau, on les fit coucher ; on leur donna une nourriture pleine de substance, mais légère. Ces pauvres gens pouvaient à peine se persuader qu’ils voyaient autour d’eux des matelots et des soldats qui, loin de les torturer, leur témoignaient la plus vive compassion, et leur tendaient mille secours.

Ces libérateurs étaient des Anglais qui venaient croiser devant Gibraltar, lequel ne leur appartenait pas encore. Le chapelain entendait un peu de français ; il eut quelques conversations avec ces inconnus, qui lui racontèrent leurs infortunes ; il versa des larmes sur leur sort ; tout l’équipage en répandit aussi ; mais elles étaient d’indignation et d’horreur. Enfin, la commission de ce vaisseau étant remplie, on tourna du côté de Londres, et chacun de nos Français y trouva un établissement conforme à ses talents. Ambroise ayant quelque connaissance du commerce, fut placé dans une maison française. Dans peu de temps il eut appris la langue du pays ; et, la fortune l’ayant favorisé, il gagna en quelques années des richesses considérables.