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le vieux cévenol.

qui nous a suivis prier le chirurgien de nous prêter encore ses secours. » — « Non, mon fils, ils seraient inutiles ; laissez-moi mourir loin de ces hommes affreux… Leurs secours, mon fils ! peut-être ils vous les refuseraient ! N’ont-ils pas toujours des déclarations du roi pour servir de prétexte à leur barbarie ? Et qui sait s’ils n’allégueraient pas, pour me refuser leur assistance, cette déclaration[1] qui ordonne aux médecins de se retirer à la seconde visite et d’abandonner leurs malades lorsqu’ils refuseront d’abjurer leur religion ? Vous me faites perdre des instants précieux, mon cher fils. Recevez ici ma bénédiction ; conservez la mémoire de votre mère ; tâchez de faire passer vos frères et vos sœurs dans un pays où l’on puisse adorer et servir Dieu en liberté ; préservez mes os de la persécution, en ensevelissant mon corps dans un lieu écarté… » La voix de cette infortunée s’affaiblissait. Elle dit à son fils de se tenir sans parler à ses côtés, et, après avoir donné environ une demi-heure à la prière, elle rendit le dernier soupir.

Ambroise, désolé, embrassait les restes insensibles de la meilleure des mères. Il l’arrosait de ses larmes ; il lui adressait les paroles les plus touchantes, comme si elle l’avait entendu ; et tel était son égarement qu’il attendait à chaque in-

  1. Du 8 mars 1712.