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HISTOIRE DU CANADA

prète puissant du sentiment national, pouvait, peut encore s’écrier :

Non, remparts, non clochers superbes, non jamais
Je n’oublierai Strasbourg et je n’oublierai Metz.
L’horrible aigle des nuits nous étreint dans ses serres.
Villes ! nous ne pouvons, nous Français, nous vos frères,
Nous qui vivons par vous, nous par qui vous vivrez,
Être que par Strasbourg et par Metz délivrés.
Toute autre délivrance est un leurre… et j’estime
Que Verdun est aux fers, que Belfort est victime
Et que Paris se traîne, humble, amoindri, plaintif,
Tant que Strasbourg est pris et que Metz est captif.

Mais, en attendant cette suprême libération du territoire, la France avait mieux à faire qu’à se vouer aux gémissements stériles. Un peuple qui s’abandonnerait piteusement aux regrets de son étoile assombrie et s’envelopperait dans son désespoir comme dans un linceul, serait un peuple décrépit, indigne de connaître une fortune meilleure. C’est par de viriles résolutions, par des actes et par des efforts constants, par un examen sérieux de conscience, et par les réformes qui s’ensuivent : morales, religieuses, sociales, qu’on peut préparer les revanches efficaces de l’avenir. Grâce à Dieu, la France était blessée, mais non moribonde. Un sang rouge, généreux, circulait encore dans ses veines, capable de cicatriser ses blessures et de rendre à tous ses membres la souplesse et l’énergie. L’œuvre de relèvement national, commencée dès 1872 et poursuivie au milieu de circonstances souvent difficiles, ne s’est jamais arrêtée depuis. C’est d’abord par l’état prospère de ses finances, sous la charge d’impôts presque doublés, que la France, riche du travail accumulé de ses générations économes, a prouvé l’étendue et l’élasticité de ses ressources ; la rançon même des cinq milliards qu’il lui a fallu verser à ses vainqueurs, couverte par une souscription de quarante-deux milliards de francs, lui a fourni l’occasion d’ap-