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elle le voudra, sur les bords du Saint-Laurent, un marché presque indéfiniment extensible pour ses capitaux et ses produits ; elle y retrouvera aussi une place de refuge assurée pour sa langue et sa civilisation… Le Canada, de son côté, puisera, dans la reprise et l’extension de ses relations avec son ancienne métropole, la force nécessaire pour résister au courant qui l’entraîne dans l’orbite de son puissant voisin. La puissance de ce courant s’est naturellement augmentée depuis l’avènement de la politique protectionniste au Canada. Les industriels protégés comprennent fort bien qu’un marché intérieur de 4 millions de consommateurs ne saurait leur suffire, et ils soupirent après une union douanière qui leur accorderait une part dans un marché privilégié de 55 millions… Mais en admettant que ce Zollverein américain vînt à se constituer, il y a grande apparence que le gros associé mangerait le petit ; autrement dit que l’union politique ne tarderait guère à suivre l’union commerciale. Que le Canada cherche et trouve au contraire un nouveau point d’appui au dehors, que son marché s’agrandisse du côté de l’Europe, qu’un faisceau grossissant d’intérêts le rattache non plus seulement à l’Angleterre, mais à la France, et le courant qui le pousse vers les États-Unis sera neutralisé. Alors le danger d’une annexion éventuelle se trouvera conjuré, l’indépendance de ce « Dominion » sera assurée[1]. »

Le commerce direct de la France avec le Canada n’est aujourd’hui qu’une bagatelle ; il ne dépasse pas une quinzaine de millions de francs sur un chiffre total d’un milliard ; et en admettant même que le

  1. L’Irlande, le Canada, Jersey, p. 267.