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trielles. Aussi, dans le tableau (les professions au Bas-Canada, voit-on que le haut commerce, les banques, les manufactures, les chemins de fer, les mines, les affrétements maritimes, etc., sont presque exclusivement entre les mains des Anglais, dont la langue est devenue par suite la langue des affaires, des annonces, des principaux journaux, la seule parlée dans les principaux hôtels, celle qu’on lit neuf fois sur dix, sur les affiches collées aux murs[1], quoique le rapport de la population de langue française à la population de langue anglaise soit dans une proportion directement contraire. En revanche, la province de Québec « compte plus d’avocats qu’il n’en faudrait pour plaider les procès de tous ses habitants, ceux-ci fussent-ils vingt fois plus portés à la chicane que les Normands leurs ancêtres, et certainement plus de médecins que n’en peut faire vivre un pays où les gens ont conservé l’habitude de ne mourir qu’à quatre-vingt-dix ans, sans infirmités préalables[2]. »

C’est évidemment à ce même esprit de routine, trop favorisé par le genre d’éducation que reçoivent les jeunes Canadiens, qu’il faut attribuer l’obstination des cultivateurs canadiens à conserver des procédés de culture et des méthodes d’exploitations surannées dont l’ordinaire résultat est d’épuiser très vite un sol très généreux et de frustrer le propriétaire de la plus grande partie des revenus qu’il était en droit d’attendre de ses sueurs. « They have murdered the soil (Ils ont assassiné le sol) » disait, en parlant des fermiers canadiens,

  1. Voir M. de Molinari. L’Irlande, le Canada, Jersey. Lettres écrites au Journal des Débats.
  2. H. de Lamothe. Cinq mois chez les Français d’Amérique.