Page:Réveillaud - Histoire du Canada et des canadiens français, de la découverte jusqu'à nos jours, 1884.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

huguenots et on mit cette inscription sur l’arbre qui servit de gibet : « Pendus non comme Français, mais comme Luthériens et ennemis de la foi. » N’était-ce pas une œuvre pie d’exterminer les hérétiques partout où ils se rencontraient ?… (1565)

Une éclatante vengeance fut tirée de cette félonie, non par le gouvernement du roi de France, trop occupé lui-même, à ce moment, de sa lutte contre « l’hérésie », mais par un simple chevalier, Dominique de Gourgues. Gourgues était catholique, mais bon Français, et le premier article de sa loi était la haine des Espagnols, contre lesquels il avait longtemps ferraillé sur les champs de bataille d’Italie. Ressentant vivement l’outrage fait à la France par ces Espagnols détestés, il vendit tout son bien pour acheter et armer trois navires, y embarqua 80 matelots et 150 soldats, la plupart gentilshommes, quitta le port de Bordeaux sans avoir avisé personne de son dessein, traversa l’Atlantique, surprit les Espagnols dans le fort Caroline et, payant de sa personne à la tête de ses compagnons d’armes, leur livra un assaut furieux, qui mit ses ennemis à sa discrétion. Les Espagnols furent pendus à leur tour avec cette inscription : « Pendus non comme Espagnols, mais comme pirates, bandoliers et écumeurs de mer » (1568). Après cette exécution et le fort démoli, de Gourgues se rembarqua avec ses hommes, « laissant, dit le narrateur (Champlain), laissant au cœur des sauvages un regret immortel de se voir privés d’un si magnanime capitaine. »

Du fait de ces incidents, l’œuvre de la colonisation