Page:Réveillaud - Histoire du Canada et des canadiens français, de la découverte jusqu'à nos jours, 1884.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus léger, sous le prétexte le plus frivole, des citoyens honorables étaient arrêtés et enfermés sous les verrous ; d’autres disparaissaient secrètement, et leurs parents n’apprenaient que longtemps après dans quels cachots ils étaient détenus. Cette tyrannie inquiète du gouverneur trouvait des complices malhonnêtes dans les magistrats des tribunaux qui dépendaient, comme tous les fonctionnaires, du bon plaisir de la couronne. Les accusés étaient atteints non seulement dans leur liberté individuelle, mais encore dans leur fortune, et plusieurs furent ruinés par des dénis de justice ou par des jugements iniques, rendus en violation de toutes les lois et de toutes les formes de la justice. On commença par les personnes de moindre condition pour remonter ensuite aux plus notables. C’est ainsi que MM. Joutard, Cazeau, Hay, Carignan, Du Fort, négociants, La Terrière, directeur des forges de Saint-Maurice, Pellion, d’autres encore, furent détenus à bord des vaisseaux de guerre à l’ancre à Québec, ou jetés dans les cachots, sans qu’on leur fît connaître le crime dont ils étaient accusés. On arrêta aussi un étranger qui fut renfermé mystérieusement dans la partie la plus inaccessible de la prison. Le bruit public le représentait comme un de ces gentilshommes français qui, depuis que La Fayette était en Amérique, faisaient, disait-on, des apparitions secrètes en Canada, pour y remplir des missions politiques, qui sont restées cependant un mystère jusqu’à ce jour. Bientôt les prisons ne suffisant plus, le couvent des Récollets fut ouvert pour recevoir les nouveaux suspects. Un ancien magistrat, nommé Du Calvet, qui avait été un moment le fournisseur des troupes américaines quand elles