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cret et sûr de la conservation nationale[1]. » Les Anglais, d’après cette école, représentaient une occupation étrangère, oppressive, mais éloignée ; les Américains représentaient une influence prochaine, active et dissolvante, sur le pays.

Pour notre compte, nous n’hésitons pas à nous inscrire en faux contre cette thèse. Nous considérons — en nous plaçant au point de vue canadien bien plus encore qu’au point de vue français, — comme un très grand malheur pour l’avenir de notre race au Nouveau-Monde que les Canadiens n’aient pas accepté les avances de leurs voisins des anciennes colonies anglaises, et n’aient pas saisi cette occasion inespérée de secouer le joug de leurs conquérants de la veille et de ressaisir leur pleine indépendance. On objecte que cette indépendance n’eût été qu’un changement de maîtres ; que l’union avec les États-Unis comportait des charges et des dangers : que le Canada ne représentant qu’un État sur treize ou quatorze peuplés d’Anglo-Saxons eût été en danger de perdre plus promptement son caractère propre et son autonomie, en danger d’être envahi tout à la fois par la population américaine et par la langue et les mœurs que représentait cette population.

Ce prétendu danger nous apparaît comme absolument imaginaire et chimérique, tandis que l’invasion anglo-saxonne n’allait être qu’une trop funeste réalité avec la conduite que les Canadiens adoptèrent. Supposé en effet que le Canada fût devenu un État de l’Union américaine. Cet État entrait dans la confédération avec ses vastes frontières que personne n’eût songé à lui contes-

  1. F. Rameau. La France aux Colonies, p. 133. L’abbé Ferland, l’abbé Laverdière expriment les mêmes vues.