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et on coupa ce district en deux pour rattacher chacune de ses parties aux districts de Québec et de Montréal. Le nouveau « conseil exécutif », digne pendant du Conseil des Dix de Venise, heurtait de front, par une foule de mesures vexatoires, les sentiments, les habitudes et les intérêts de la population d’origine française. Diverses ordonnances prises dans son sein modifiaient le cours des monnaies, obligeaient les propriétaires à faire enregistrer à nouveau les titres primitifs de leurs terres, défendaient de quitter le pays sans permission, etc. Les libertés les plus élémentaires et dont la privation aurait suffi pour amener une révolution en Angleterre étaient, au Canada, subordonnées au caprice des nouveaux maîtres. Au commencement de 1765, les Canadiens ayant demandé la permission de s’assembler pour conférer de leurs intérêts, le conseil n’y consentit que sous les conditions que l’assemblée se tiendrait à Québec, en présence de deux membres du conseil, qui auraient le pouvoir de la dissoudre au premier mot déplaisant. Pareille demande faite, l’année suivante, par les habitants de Montréal, se heurta aux mêmes entraves.

« Rien d’étonnant, dit Garneau, qu’avec un pareil système de tyrannie et de bouleversement, on tremblât de voir la victime abattue s’insurger de désespoir. » Une sourde irritation fermentait en effet dans les esprits ; les murmures, d’abord contenus, éclataient un peu partout. « Ceux qui connaissaient les Canadiens, de tout temps si soumis aux lois, commencèrent à craindre les suites de ce mécontentement profond, lorsqu’ils les virent critiquer tout haut les actes du gouvernement, et montrer une hardiesse qu’on ne