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Les sauvages, voyant notre domination chanceler, commencèrent à quitter notre alliance et à passer aux Anglais. Doreil, en rendant compte au ministre de la prise du fort Frontenac, lui disait : « Les sauvages ont frappé sur nous ; ils se sont emparés sur le lac Ontario de trois canots qui descendaient chargés de pelleteries et en ont égorgé les équipages, triste avant-coureur de ce que nous avons à craindre de leur part ! La paix, la paix, Monseigneur : pardonnez-moi, je ne puis trop me répéter à cet égard. »

Mais la France ne pouvait, à ce moment, — au lendemain de Rosbach, — pas plus dicter la paix que soutenir la guerre. « Elle semblait alors, dit Voltaire[1], plus épuisée d’hommes et d’argent dans son union avec l’Autriche qu’elle n’avait paru l’être dans deux cents ans de guerre contre elle. » Aux pressantes requêtes de secours que lui adressait Montcalm, le maréchal de Belle-Isle répondait qu’il ne devait compter sur aucun renfort de troupes : « Outre qu’elles augmenteroienl la disette de vivres que vous n’avez que trop éprouvée jusqu’à présent, il seroit fort à craindre qu’elles ne fussent interceptées par les Anglois dans le passage ; et comme le Roi ne pourroit jamais vous envoyer des secours proportionnés aux forces que les Anglais sont en état de vous opposer, les efforts que l’on feroit ici pour vous en procurer n’auroient d’autre effet que d’exciter le ministère de Londres à en faire de plus considérables pour conserver la supériorité qu’il s’est acquise dans cette partie du continent. » Il insistait cependant pour que le général fît l’impossible afin de conserver « un pied, quelque médiocre qu’en fût l’es-

  1. Précis du siècle de Louis XV, ch. 34.